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Un autre soir
Elle est dans sa chambre, toute excitée. Devant son miroir, elle s’observe. Qu’est-ce qu’elle va bien pouvoir mettre ? Jean ? Short ? Robe ? Jupe ? Puis elle va dans sa salle de bain : opération maquillage. Crayon. Eye-liner. Mascara. Fond de teint. Parfum. Ca y’est, elle peut y’aller. Elle attrape sa veste, son sac, ses clopes et claque la porte avec un sourire rayonnant. C’est toujours le même rituel.
Le rituel d’avant-soirée.
Elle marche vivement dans la rue, comme si rien ne pouvait l’atteindre. Elle se sent envahie d’une puissance familière. Elle regarde droit devant elle, le sourire aux lèvres. Elle est heureuse. Pourtant elle sait déjà comment ça finira. Elle sait tout du déroulement de cette énième soirée. Ce sera comme d’habitude. Elle y va toujours dans le même état esprit au final. Pour chercher toujours la même chose.
Une fois sur place elle dit bonjour à tout le monde et observe. Elle repère les personnes intéressantes du coin de l’œil tout en rigolant avec ses amis. Ils sont posés, tranquilles. La musique est pas mal, les gens dansent, elle les rejoints l’air de rien. Et elle ingurgite bouteille sur bouteille, verre sur verre. Bière. Vodka. Rhum. Tequila. Elle finit par ne plus savoir ce qu’elle avale mais elle s’en branle. Elle s’amuse. Elle squatte les groupes de mecs, s’assoit sur les genoux de l’un, entre les jambes de l’autre. Elle flirte avec insouciance. Elle ne se rend plus trop compte de ce qu’elle fait vraiment à cause de la dose d’alcool dans son sang. Elle se roule une clope. Se pose à la fenêtre et observe silencieusement la nuit qui drape la ville de son dais sombre. Elle se sent comme engourdie. La première phase se passe comme d’habitude, c’est parfait.
Elle jette son mégot et retourne dans le salon. Elle trouve tout de suite ceux qu’elle voulait voir : les « foncdés ». Elle s’incruste et fume joint sur joint grisée par l’effet qui lui monte à la tête. Elle ne saurait pas trop le décrire, c’est l’impression d’être déconnectée du monde, que plus rien n’a d’importance. C’est comme si elle était sur un nuage et ne regardait que d’un œil lointain ce qui l’entoure. Elle y comprit. Comme si on l’avait tiré hors de son corps. C’est étrange mais plutôt agréable une fois qu’on a l’habitude. Et l’habitude, elle l’a. Elle ne sait plus si ses potes sont encore là ou déjà partis mais c’est pas grave. C’est la fin de la deuxième phase et la troisième doit commencer.
Elle retourne vers les mecs, s’installe avec eux ou sur eux. Elle a sa cible. Elle va près de lui, fait comme si de rien n’était, l’embête un peu, rigole un peu trop. Elle sent le moment arriver. Ce moment qu’elle voit désormais comme banal où le mec s’approche d’elle d’une manière qu’il espère subtile et l’embrasse. Elle répond au baiser. Toujours. Et ils se laissent un peu aller, câlins, bisous, souffle dans le cou… Ce n’est qu’un jeu pour elle. Elle ne ressent rien, elle sait que ça finira par l’emmerder mais elle s’en fout, elle s’éclate quand même. Elle le laisse faire, de toute façon elle est bien trop stone pour se rendre compte de la moitié de ses actions. Elle sait qu’elle finira la soirée dans les bras de ce mec, soit dans une pièce adjacente pour aller un peu plus loin soit toujours sur le canapé sans changer grand-chose à leur action du moment. C’est ça sa troisième phase, puis c’est la fin de la soirée. Les gens partent, rentrent chez eux, remercie pour la soirée qui vient de passer. Ils ne marchent pas tous droit, ils n’ont pas tous le regard très clair non plus mais ils ne sont pas en trop mauvais état au final.
Elle part elle aussi, un peu dans les vapes. Elle ne reverra pas ce mec d’un soir et c’est tant mieux. Mais elle s’en veut. Au fond d’elle, elle se fait gerber. Elle se dégoûte. En rentrant elle prend systématiquement une douche, pour effacer toutes ces traces et ôter toute odeur qui lui donne la nausée maintenant. Et elle s’écroule sur son lit, musique à fond dans ses écouteurs et sa haine d’elle-même qui la submerge une nouvelle fois. Mais elle ne pleure pas, elle n’est pas triste, juste écœurée.
Pute. Salope. Pétasse. Garce. Traînée. Allumeuse.
C’est comme ça qu’elle se voit. Toujours ces mêmes regrets qui l’assaillent une fois dans son lit. Toujours cette envie de crever qui la démange pour arrêter de faire souffrir les autres et se sentir si sale. Mais elle n’y peut rien, c’est plus fort qu’elle. Mais la honte la submerge à chaque fois tel un raz de marée.
Alcool. Tabac. Drogue. Mecs.
C’est ça ses soirées. Elle s’en veut toujours à mort en revenant mais elle a besoin d’agir ainsi quand même. Pour remplir ce vide inextinguible qu’elle a en elle. Ce vide qu’elle ne sait pas remplir mais elle essaye quand même. Et tant pis si c’est juste le temps d’une soirée et que ça revient la bouffer une fois « clean », au moins quelques heures elle se sent paisible. Entière.
C’est purement égoïste et malsain mais c’est ainsi.
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Tags : c’est, qu’elle, toujours, soiree, mec
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